Réorganiser les implantations de bureaux de l’État dans les chefs-lieux de département, une action nécessaire pour maîtriser les charges qui pèsent sur le budget et libérer des marges pour rénover et renforcer l'attractivité des locaux


Introduction à l'immobilier de l'Etat dans les villes moyennes chefs-lieux de département

 

Voici un aperçu des principales directions de l'État présentes dans un chef-lieu de département.

 

Commençons par les directions déconcentrées de l’État qui comptent les plus gros effectifs :

  • La préfecture de département ;
  • La DDFIP (Direction départementale des finances publiques), qui regroupe des services de directions et des services de proximité, comme les trésoreries ;
  • La DDT (Direction départementale des territoires) ;
  • La DDPN (Direction départementale de la police nationale) ;
  • La DDETSPP (Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations) ;
  • La DSDEN (Direction des services départementaux de l’éducation nationale).

On retrouve ensuite des petites structures déconcentrées, qui n’emploient qu’une poignée d’effectifs :

  • UD DREAL (Unité départementale de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) ;
  • UDAP (Unité départementale de l’architecture et du patrimoine) ;
  • ONAC (Office national des anciens combattants) ;
  • CIO (Centres d’information et d’orientation) ;
  • MPF (Maison de protection des familles).

Par ailleurs, on retrouve également dans les villes moyennes des services d’administration centrale, des services inter-régionaux voire inter-départementaux. Par exemple :

  • Le centre de contact de la DGFIP ;
  • Le service de la direction nationale du renseignement territorial ;
  • La DIR (Direction interdépartementale des routes) ;
  • Les Douanes.

Un certain nombre d’opérateurs de l’État sont également implantés dans les chefs-lieux, avec des effectifs très variables :

  • La délégation départementale de l’ARS (Agence régionale de santé) ;
  • Le service départemental de l’OFB (Office français de la biodiversité) ;
  • La direction territoriale de l’ONF (Office national des forêts) ;
  • L’ Agence France Travail ;
  • Le Réseau Canopé ;
  • Etc.

Enfin, on retrouve les services des ministères des Armées, de la Justice (DTPJJ, SPIP,...) et de la Gendarmerie nationale (Ministère de l’Intérieur). Ces derniers sont cités en dernier car il est rare dans les villes moyennes, qu’ils participent aux réflexions locales sur la mutualisation des surfaces de bureaux.

 

À l’échelle d’un chef-lieu de département, toutes ces administrations, qui ne représentent finalement pas tant d’agents, sont réparties, selon les villes, sur 30 à 60 implantations de bureaux.

Ces implantations présentent une grande diversité :

  • En termes de taille : Certaines sont de grandes implantations regroupant plusieurs directions, tandis que d’autres sont de petites unités dispersées ;
  • En termes de statut :
    • Des bâtiments domaniaux, appartenant à l’État ;
    • Des bâtiments locatifs, souvent associés à des loyers élevés ;
    • Des bâtiments mis gratuitement à disposition par des collectivités locales, généralement par les conseils départementaux.

 

 

La sous-occupation, un constat ancien, amplifié par des évolutions récentes

 

Les récents schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), pilotés par les préfets de région avec l’appui des missions régionales de la politique immobilière de l’État, ont mis en lumière des marges d’optimisation des surfaces de bureau occupées par l’État, dans un certain nombre de chefs-lieux de département, le plus souvent dans des villes moyennes.

 

Ce constat n’est pas nouveau. Déjà en 2015, lors de l’élaboration des premiers SDIR, qui coïncidaient avec la réforme territoriale (loi NOTRé), ainsi qu’en 2019, dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), des études avaient révélé l’existence de parcs immobiliers éclatés et, sauf exceptions, sous-occupés dans les chefs-lieux. Ces réformes avaient nécessité d’étudier les implantations cibles des nouvelles structures créées par la loi, confirmant ainsi un problème structurel.

 

Cependant, ce constat prend une nouvelle dimension en 2024. Le développement du télétravail dans les administrations a davantage accentué la sous-occupation des espaces. Parallèlement, la circulaire du Premier ministre de février 2023 a offert une assise réglementaire à des discussions longtemps jugées sensibles sur l’organisation du travail et l’aménagement des espaces.

 

De plus, le contexte actuel de redressement des comptes publics, associé à l’objectif fixé par la DIE de réduire de 25 % les surfaces de bureau à horizon 10 ans, et au projet de création d’une foncière de l’État, impose une réflexion approfondie. Cette foncière pourrait amener les directions occupantes à potentiellement payer un loyer, incitant ainsi à une plus grande attention des ministères sur cette problématique.

 

Sur le terrain, la plupart des directions occupantes reconnaissent désormais, parfois sans ambiguïté, l’inadéquation entre leurs surfaces actuelles et leurs besoins réels, et elles sont conscientes que cette situation ne pourra pas durer. Cette prise de conscience ouvre la voie à une meilleure gestion des surfaces, en phase avec les enjeux de sobriété foncière et énergétique.

 

 

Réorganiser avant de rénover : une approche stratégique et incontournable

 

Nous parlons ici beaucoup de l’occupation des locaux, mais il est également important de rappeler un constat renouvelé : les bâtiments de l’État sont souvent dans un état globalement vétuste, avec certains d’entre eux considérés comme de véritables passoires énergétiques. Les aménagements intérieurs, dans de nombreux cas, sont obsolètes et ne contribuent pas à renforcer l’attractivité de l’administration. Par ailleurs, les budgets alloués à l’entretien des bâtiments sont extrêmement contraints, rendant la situation encore plus complexe.

 

Oui, tout ceci est vrai, mais nous insistons volontairement sur la question de l’utilisation des espaces, car celle-ci est fondamentale. L’État ne peut plus continuer à payer des loyers et des charges récurrentes conséquentes pour des espaces sous-utilisés. De plus, il est difficile d’envisager de lancer des opérations de rénovation énergétique alors qu’il persiste une problématique de sobriété dans l’utilisation des surfaces occupées par l’État.

 

Aligner les surfaces aux besoins réels des directions et des services doit donc être une priorité. Cela garantit que les investissements futurs seront réalisés de manière cohérente et durable, tout en évitant de moderniser ou rénover des espaces sous-occupés.

 

Le rôle central du préfet de département

 

Le constat étant posé et les objectifs fixés aux plans national et régional, qui est responsable de chercher des solutions pour mieux utiliser les surfaces ?

Il s’agit du Préfet de département. En effet, et cela est important de le rappeler, le patron en département, ce n’est pas la DIE, ni les administrations centrales des ministères, ni le préfet de région : c’est bien le préfet de département. En étant au plus près du terrain, il pilote l’action de l’État au niveau local. À ce titre, il est, conformément aux règles de l’organisation de la fonction immobilière de l’État, le responsable de l’immobilier de l’État au plan local.

En cette qualité, il lui appartient de mener une concertation avec les directions, y compris celles qui ne sont pas hiérarchiquement sous sa responsabilité (comme les services de l’éducation nationale, les services d’administration centrale ou encore les opérateurs de l’État) en tant qu’occupantes de biens de l’État. Cette concertation vise à étudier des propositions pour la réorganisation du schéma d’implantation des directions à l’échelle du chef-lieu.

Pour ce faire, il bénéficie de l’appui des missions régionales de la politique immobilière de l’État, qui apportent leur conseil et, parfois, des budgets permettant de lancer des études opérationnelles. De plus, la préfecture de région (SGAR) soutient ces démarches tout en veillant à ce qu’elles s’inscrivent dans les objectifs du SDIR.

 

La démarche à adopter pour repenser la cartographie des implantations de bureau de l'Etat

 

Ces études consistent tout d’abord à analyser les données d’occupation des bâtiments grâce aux plans et aux visites de sites. Il s’agit d’objectiver la situation actuelle en examinant les effectifs, les postes de travail, les surfaces occupées, et ainsi identifier le potentiel d’accueil des bâtiments ainsi que les leviers de densification possibles.

 

Ensuite, des entretiens avec les directions sont réalisés afin de :

  • Dresser un état des effectifs actuels et tiers hébergés rattachés à chaque implantation, avec des informations sur leur présence moyenne sur site (taux de télétravail, nomadisme…)
  • Recueillir l'avis des directions sur la fonctionnalité des locaux mis à leur disposition
  • Projeter les besoins en surfaces des services à horizon 5 ans
    • Recenser les projets de réorganisation/restructuration (création/suppression/fusion d'activités, transferts d'agents d'un site à un autre, développement d'une nouvelle offre de services…).
    • Projeter l'évolution des modes de travail.
    • Projeter les effectifs et tiers hébergés à horizon 5 ans (difficile au-delà du triennal).
  • Recueillir les besoins de relogement, en raison d’une opération immobilière à venir qui les pousse à partir ou en raison de locaux vétustes/inadaptés (P1), ou pour des raisons fonctionnelles de souhait de rapprochement avec d'autres services (P2).
  • Définir les ambitions que souhaite porter la direction en termes d'aménagement des espaces au regard de l'évolution des modes de travail.

 

Enfin, les études aboutissent à l’élaboration de scénarios d’évolution de la cartographie des implantations de l’État à l’échelle du chef-lieu de département. Ces scénarios sont accompagnés d’une analyse comparative pour aider le préfet à arbitrer. Chaque scénario comprend :

  • Une présentation synthétique ;
  • Une projection cartographique des implantations cibles à l’échelle du chef-lieu ;
  • Une liste des opérations associées, telles que les rénovations, les transferts, les réaménagements d’espaces, les cessions et fins de prise à bail,etc. avec une estimation des coûts et recettes associés ;
  • Un phasage des opérations, planifié sur 10 ans ;
  • Un bilan financier ;
  • Un bilan extra-financier, qui évalue l’impact du scénario sur la qualité de vie au travail des agents, sur l’environnement, et d’autres dimensions clés ;
  • Des projections d’aménagement, destinées à démontrer la faisabilité opérationnelle des propositions d’implantation formulées.

 

Ces études nécessitent en moyenne 6 mois pour être finalisées.

 

Une fois qu’un scénario est arbitré par le préfet de département, la phase de mise en œuvre peut être enclenchée, permettant de transformer ces recommandations en actions concrètes.

 

 

Apports concrets de ces études

 

 

Tout d’abord, grâce à l’analyse des plans et aux relevés d’occupation sur site, ces études permettent de dresser un état des lieux précis de l’occupation des sites. On observe ainsi que les ratios d’occupation sont en moyenne 1,5 à 2 fois plus importants que le plafond fixé par l’État. Cependant, il existe des exceptions, comme par exemple les commissariats, où les bureaux sont souvent exigus par rapport à ceux des autres directions.

L’analyse permet également d’identifier précisément les causes de la sous-occupation des locaux. Voici les principaux facteurs rencontrés :

  1. Une part importante de bureaux individuels (40 % en moyenne), avec toutefois de fortes disparités entre les directions. Certaines ont déjà adopté l’ouverture des espaces, tandis que d’autres conservent une grande proportion de bureaux dits "partagés", qui en réalité accueillent souvent 2 à 3 agents.
  2. Des bureaux surdimensionnés offrant une surface confortable par agent (14 m² en moyenne), que ce soit en bureau individuel ou en bureau partagé. Il est important de noter que cette surface ne concerne ici que les bureaux, et exclut les salles de réunion ou autres espaces communs.
  3. Une part importante de surface perdue en circulation, en raison du cloisonnement réalisé. Ce cloisonnement, bien qu’abondant, ne constitue en rien une contrainte architecturale, mais résulte d’un choix de la direction. Ces circulations pourraient être mieux exploitées.
  4. Des espaces alloués à des usages spécifiques, qui limitent les possibilités de densification des surfaces. Par conséquent, certaines directions conserveront des ratios d’occupation plus élevés que la cible fixée, même après optimisation. Par exemple, les préfectures de département, avec leurs guichets d’accueil et espaces d’attente pour les étrangers, nécessitent des surfaces importantes qui viennent gonfler leurs ratios d’occupation.
  5. Des limites architecturales inhérentes à certains bâtiments. Ces contraintes empêchent une densification efficace, ce qui entraîne un ratio d’occupation dégradé même après optimisations. Cela soulève la question de l’adéquation des bâtiments pour un usage en bureaux, et si certains biens inadaptés devraient être conservés ou remplacés.

 

 

Ces études permettent également d’aborder la question des environnements de travail avec les directions, afin de les inviter à prendre position et d’aboutir, à l’échelle interministérielle, à la définition de lignes directrices en matière d’aménagement des espaces. Ces orientations devront ensuite être portées par chaque direction.

 

Elles permettent aussi de recenser et structurer les projets envisagés par les directions, de réinterroger leur pertinence et de les inscrire dans une vision stratégique à l’échelle du chef-lieu. En effet, nous avons constaté que la plupart des directions avaient déjà un projet de réaménagement en tête, souvent accompagné de sollicitations budgétaires auprès de leur ministère. Ces études contribuent ainsi à décloisonner ces pratiques et à apporter une vision d’ensemble.

 

Par ailleurs, ces études permettent d’aboutir à des opérations concertées visant à améliorer l’état des bâtiments intégrés dans un plan de rénovation sur 10 ans. Cela est indispensable, car les directions ont vu se succéder des études depuis plus d’une décennie. Il est désormais nécessaire de proposer des solutions, tout en ayant le souci de lisser l’investissement dans le temps. Ces études aident aussi à prioriser les actions et à construire un phasage opérationnel clair.

 

Enfin, ces études permettent de trouver des solutions innovantes dans des marchés immobiliers peu dynamiques. Il est essentiel d’explorer des pistes de valorisation pour envisager des projets adaptés aux besoins locaux, notamment dans une optique de revitalisation des centres-bourgs. Parmi les pistes étudiées figurent la transformation en logements, résidences étudiantes, espaces de coworking, incubateurs d’entreprises, locaux commerciaux en pied d’immeuble, centres de formation, maisons des associations, et centres culturels.

 

 

Facteurs clés de succès

 

Le préfet de département occupe une position centrale en tant que chef de file des réflexions locales sur l’immobilier de l’État. Pour garantir le succès des projets, il doit incarner une vision interministérielle et impulser une stratégie claire, tout en veillant à ce que les directions locales et les opérateurs comprennent les objectifs poursuivis. De plus, sa connaissance fine du territoire et des spécificités locales lui permet d’arbitrer efficacement entre les enjeux locaux et les priorités nationales, ce qui est essentiel pour assurer une cohérence entre les attentes locales et les orientations stratégiques de l’État.

 

Dans ce cadre, la diversité des acteurs impliqués constitue à la fois une richesse et un défi. Qu’il s’agisse des directions locales ou centrales, ou encore des opérateurs de l’État tels que l’OFB, l’ARS ou l’ONF, tous doivent être intégrés dès les premières phases du projet. Toutefois, certaines entités peuvent redouter des regroupements ou une réduction de leurs surfaces. C’est pourquoi il est impératif que les études démontrent de manière concrète que les propositions n’affecteront pas leurs capacités opérationnelles, renforçant ainsi leur adhésion au projet.

 

À une échelle plus large, la coordination avec l’échelon régional joue également un rôle déterminant. En effet, la préfecture de région, et plus précisément le SGAR, ainsi que la mission régionale de la PIE, apportent un soutien clé. Ces entités permettent d’aligner les stratégies locales avec les orientations nationales et régionales. Par ailleurs, elles offrent un appui aux équipes projet constituées localement, en leur mettant à disposition des outils, des méthodes et des budgets pour faire appel, si besoin, à des prestataires extérieurs.

 

En parallèle, les collectivités locales, notamment les conseils départementaux et les communes, représentent des partenaires essentiels. Grâce à leur collaboration, l’État peut explorer des pistes de mutualisation et développer des projets innovants au service des territoires. À minima, il est crucial d’instaurer un dialogue transparent pour les informer des objectifs fixés par l’État, ainsi que des libérations de sites prévues à l’avenir, y compris ceux actuellement mis à disposition des collectivités.

 

Par ailleurs, il est important de noter que cette prise de contact avec les directions a révélé une pleine conscience de la problématique des espaces surdimensionnés. Cependant, il est essentiel de distinguer entre l’acceptation de la réduction des surfaces occupées et celle de la transformation des espaces de travail. Si la première peut être perçue comme une contrainte nécessaire, la seconde implique un changement plus profond dans les habitudes et les modes de fonctionnement des agents. Une telle transition ne peut donc être immédiate et nécessite un accompagnement progressif pour garantir son appropriation par l’ensemble des parties prenantes. Ainsi, l’ouverture des espaces, la réduction du nombre de postes de travail par agent ou l’adoption de modes de travail plus flexibles devront être mises en œuvre progressivement. À cette fin, il est recommandé de commencer par des espaces pilotes permettant de tirer des enseignements, d’ajuster les approches, puis de généraliser les pratiques. De plus, un chantier RH et managérial devra être engagé pour former les encadrants à accompagner leurs équipes dans ces transformations.

 

Enfin, pour garantir la faisabilité des projets, une approche financière et opérationnelle réaliste est indispensable. D’une part, il est nécessaire de hiérarchiser les projets en fonction de leur rentabilité économique et de leur soutenabilité budgétaire à court terme. D’autre part, le phasage des travaux est essentiel pour lisser les dépenses et minimiser les perturbations sur les missions des directions. Par ailleurs, dans un contexte de contraintes budgétaires, il sera nécessaire d’explorer des financements innovants, tels que les tiers financements ou les coopérations financières avec les collectivités.

 

 

 

En conclusion, la réorganisation des implantations de bureaux de l’État dans les chefs-lieux de département constitue une opportunité unique de rationaliser l’utilisation des surfaces, de maîtriser les charges, et de moderniser le patrimoine immobilier tout en répondant aux enjeux environnementaux. En s’appuyant sur le rôle pivot des préfets de département et sur une approche stratégique, cette démarche peut contribuer à bâtir un immobilier d’État plus performant et durable.


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